(extrait de Comment survivre dans les bois, Thoreau, traduit par Romain Nicolas)
C'est pas stérile les haricots, monsieur, non, monsieur ! Décortiquer la pensée le terme du sujet les éléments qui le composent c'est comme décortiquer des haricots. C'est pas stérile. C'est puissant, oui ! (sourdine : Parce que moi en fait j'ai vécu dans les bois moi monsieur et vous savez ce que j'y ai fait moi monsieur ? J'ai planté des haricots, oui monsieur, des haricots, et pas n'importe quels haricots ça non des beaux des durs des haricots fournis monsieur. Vibrants, impatients haricots, tendus vers le moment de la récolte pour les éplucher en sortir les pois oui monsieur. J'ai travaillé nuits et jours et nuits sur ce champs ce petit champs petit mais fier petit mais grandissant petit mais immense ce champs de haricots mon champs dans la foret de Walden mon champs de haricots et plus il grandissait plus mon respect de moi même grandissait avec lui et ce petit travail herculéen que c'était m'a fait tomber amoureux de tout ce qui poussait dessus la terre, haricots oui mais aussi baies, fraises, mûres, jolies fleurs de toutes les couleurs , les légumes les fruits tous je les aimais, je vivais seul dans les bois mais jamais je n'étais seul grâce à mes légumes mes fruits mes fleurs qui pulsaient de leur présence autour de mon moi seul dans la forêt de Walden. Et j'ai appris des haricots, les haricots apprennent ! Est-ce que les haricots ont appris de moi ? Je ne saurai dire. En tous cas je les chérissais comme mes enfants qui peut se vanter d'avoir eu autant d'enfants et de tous les chérir autant que moi ? Je les fauchais les taillais les croisais les fertilisais de tout mon corps, toujours un oeil sur eux même dans les instants les plus intimes de mon existence mes haricots étaient près de moi. La pluie et le soleil étaient mes assistants. Les vers de terre les laboureurs du sol fertile les coccinelles mes défendrices contre les pucerons oui ! Mes haricots étaient les plus heureux des haricots et j'étais le plus heureux des hommes. Un jour que je prenais le soleil au bord de mon champs et que j'admirais mes haricots je m'endormis et tout à coup je me revoyais à quatre ans dans la ferme des Johnsworth aux bord des bois de Boston River, c'était la scène mémorielle la plus ancienne de dans ma tête, une flûte jouait et le son se répercutait à la surface de l'étang oui, il y avait des grosses pierres allongées comme si elles étaient tombées, qui les avait dressées ? Et des champs des champs au bord de l'étang et déjà ma fascination pour les haricots est apparue à ce moment là car j'en suis sûr j'en suis intimement persuadé que c'était déjà des champs de haricots qui étaient là le soleil se couchait sur la cabane en rondins des Johnsworth et se reflétait dans l'étang d'un vent froid qui agitait le sommet des sapins mais j'étais tout aux haricots oui ce paysage fabuleux qui s'étendait à perte de vue avec ses montées et descentes tout recouvert des tiges pliant sous le poids des toutes petites causses qui allaient bientôt s'ouvrir pour donner tout un tas de délicieux plats ces causses silencieuses qui si elles s'ouvraient toutes en même temps feraient craquer le ciel sonore comme dans un rêve de feuilles de haricots de causses marron épaisses de terre labourée qui s'enfonce quand on marche et qui ralentisse les pas si lourds la terre molle collée en couches sous les chaussures les pieds qui doublent de volume et les...